La première ministre de l’Alberta, Danielle Smith, a provoqué des remous lors de sa visite à Montréal le lundi 6 octobre 2025. Invitée par la Chambre de commerce du Montréal métropolitain (CCMM), elle n’a pas hésité à lancer une blague controversée sur la péréquation tout en encourageant le Québec à développer ses ressources en gaz naturel.
Une blague qui passe mal
Devant quelque 400 gens d’affaires réunis à la CCMM, Danielle Smith a proposé un partenariat énergétique entre l’Alberta et le Québec pour exploiter les réserves de gaz naturel québécois. Mais c’est sa conclusion qui a fait réagir : « Cela créera également, comme je le dis en plaisantant, une nouvelle source de revenus pour le Québec, qui ne dépendra ainsi plus autant de la péréquation », a-t-elle déclaré avant d’éclater de rire.
La remarque a été accueillie dans un silence gêné, ponctué uniquement par le bruit des ustensiles dans les assiettes, avant que les conversations ne reprennent.
Le gaz naturel québécois dans la mire
La première ministre albertaine a plaidé pour l’exploitation de ce qu’elle décrit comme une « réserve suffisante pour 200 ans » de gaz naturel enfouie dans le sol québécois. Selon elle, cette ressource « peut être mise sur le marché rapidement » et permettrait au Québec de diversifier son réseau énergétique actuellement dominé par l’hydroélectricité.
Smith a également évoqué l’importance de développer le gaz naturel pour soutenir la course aux centres de données dédiés à l’intelligence artificielle, dans laquelle des pays comme la Chine sont déjà bien avancés. « Je ne pense pas qu’on puisse attendre », a-t-elle insisté.
Un projet de pipeline évité
Si Danielle Smith n’a pas directement mentionné la relance d’un projet de pipeline traversant le Québec — huit ans après l’abandon du controversé projet Énergie Est — elle a toutefois évoqué une alternative : transporter du pétrole albertain jusqu’au lac Supérieur à Thunder Bay, puis l’acheminer par bateau vers l’est via la Voie maritime du Saint-Laurent.
Le débat sur le GNL au Québec
Cette visite survient alors que le débat sur le gaz naturel liquéfié (GNL) au Québec refait surface. Plus tôt cette semaine, le ministre fédéral de l’Énergie, Tim Hodgson, a déclaré qu’il était « trop tôt » pour déterminer si le projet d’installation de GNL proposé près de Baie-Comeau par Marinvest Energy Canada constituait un projet d’intérêt national.
« À mon avis, ce projet n’est pas d’une envergure qui justifie notre examen. Ce n’est certainement pas un projet d’intérêt national à ce stade-ci », a affirmé le ministre lors d’une annonce à Montréal vendredi dernier.
La péréquation, un sujet sensible
La péréquation demeure un point de friction majeur entre les provinces canadiennes. Le Québec reçoit cette année près de la moitié de l’enveloppe totale de 25,2 milliards de dollars destinée à réduire les disparités fiscales à travers le pays. Cette situation alimente le ressentiment dans les provinces productrices de pétrole comme l’Alberta et la Saskatchewan.
Plusieurs provinces, dont la Colombie-Britannique, se sont jointes à la contestation judiciaire lancée par Terre-Neuve-et-Labrador pour exclure les ressources naturelles du calcul de la péréquation, estimant que le système actuel est « clairement brisé ».
Les réactions québécoises
L’ex-premier ministre Jean Charest, présent à l’événement, a tempéré les propos de Smith. « Il n’y a pas de culture de gaz naturel ou de pétrole, mais une culture d’hydroélectricité » au Québec, a-t-il souligné. Selon lui, les Québécois ne devraient pas se sentir coupables de recevoir des paiements de péréquation, car ce programme est enchâssé dans la Constitution canadienne.
De son côté, le chef du Parti conservateur du Québec, Éric Duhaime, ami de Danielle Smith, a défendu la position albertaine. « La vraie indépendance, ça commence quand tu es capable de t’autosuffire économiquement, puis énergétiquement », a-t-il déclaré, à un an des prochaines élections générales québécoises.
Vers Ottawa et Washington
Après cette intervention remarquée à Montréal, Danielle Smith s’est dirigée vers Ottawa pour rencontrer le premier ministre canadien Mark Carney, avant que ce dernier ne s’envole pour Washington afin de discuter avec le président américain Donald Trump.
La présidente de la CCMM, Isabelle Dessureault, a conclu l’événement en déclarant le 6 octobre « Do business with Alberta day! », invitant les Canadiens à « sortir de leur chambre d’écho » et à « s’élever et avancer ensemble ».