À trois semaines du scrutin municipal du 2 novembre, les candidats à la mairie de Montréal se sont affrontés mardi soir lors d’un débat télévisé sur les ondes de LCN. Soraya Martinez Ferrada d’Ensemble Montréal, Luc Rabouin de Projet Montréal, Craig Sauvé de Transition Montréal et Gilbert Thibodeau d’Action Montréal ont croisé le fer sur les principaux enjeux montréalais : logement, itinérance, Airbnb, collecte des déchets et mobilité urbaine.
Un affrontement sur fond de crise du logement
La crise du logement a rapidement dominé les échanges. Les deux meneurs dans les sondages, Soraya Martinez Ferrada et Luc Rabouin, se sont mutuellement reproché l’aggravation de la situation. « Mme Martinez Ferrada était au gouvernement fédéral, le gouvernement qui a le plus de moyens. Et la situation du logement et de l’itinérance ne s’est pas améliorée au cours des dernières années. Pas juste à Montréal, partout au Canada », a lancé Luc Rabouin.
La métropole fait face à une crise sans précédent. Selon Statistique Canada, le coût moyen d’un loyer à Montréal a augmenté de 71% entre 2019 et 2025, passant de 1130$ à 1930$. Cette hausse place Montréal parmi les villes canadiennes les plus touchées, dépassant même Vancouver et Toronto en 2025. Avant l’été 2025, près de 2000 familles québécoises cherchaient encore un logement, illustrant l’ampleur du défi.
Airbnb : un débat enflammé
Les locations de courte durée de type Airbnb ont cristallisé les tensions. Luc Rabouin a accusé sa rivale de vouloir étendre les locations à court terme à la période hivernale, alors qu’un nouveau règlement municipal les limite désormais à la saison estivale. « Ce que je déplore, c’est que M. Rabouin utilise des tactiques très « politique américaine » de désinformation », a répliqué Soraya Martinez Ferrada. « Il traite un citoyen comme il traite une entreprise ou un investisseur qui veut faire de l’argent sur le dos d’une crise du logement. »
Craig Sauvé a adopté une position plus radicale en proposant l’interdiction pure et simple des Airbnb à Montréal. « Il y a des propriétaires de Airbnb qui font plus d’argent en trois mois que de louer à des Montréalais pendant 12 mois. Il faut bannir les Airbnb », a-t-il affirmé.
Gilbert Thibodeau a pour sa part déploré que le débat se concentre sur Airbnb plutôt que sur l’urgence de construire des logements. « Je ne peux pas croire qu’on parle de Airbnb quand on sait très bien qu’à Montréal, il y a un déficit énorme de logements. Là, il y a trois personnes qui sont en train de parler de Airbnb alors qu’on a besoin de 150 000 logements à Montréal. »
La collecte des déchets divise
La gestion des ordures ménagères a également provoqué des échanges vifs. En novembre 2024, l’administration Plante avait réduit la fréquence du ramassage des déchets dans l’arrondissement Mercier-Hochelaga-Maisonneuve à une collecte aux deux semaines. Cette mesure visait à encourager le tri des déchets par les citoyens.
Luc Rabouin a défendu cette initiative tout en promettant de rétablir la collecte hebdomadaire pendant l’été dans cet arrondissement. « On essaie quelque chose. On a l’audace d’essayer. On a l’humilité de s’ajuster », a-t-il déclaré, rappelant que le système fonctionne bien ailleurs, notamment dans Saint-Laurent.
Soraya Martinez Ferrada a critiqué le manque d’écoute envers les citoyens. « Vous n’avez pas écouté les citoyens qui vous ont interpellé là-dessus pendant deux ans. Si on veut que ça fonctionne, il faut écouter les citoyens. Oui, dans Saint-Laurent, ça marche parce qu’on a une administration qui écoute et qui agit. »
Une controverse sur un candidat exclu
Le ton est particulièrement monté lorsque la discussion a porté sur l’exclusion tardive par Soraya Martinez Ferrada du candidat Alexandre Giasson d’Ensemble Montréal. La cheffe a reproché à Projet Montréal d’avoir alerté les médias au moment où prenait fin la période de candidature, l’empêchant ainsi de présenter un remplaçant. « C’est une tactique politique partisane », a-t-elle accusé.
« C’est vous qui avez recruté quelqu’un qui a eu des propos toxiques », a rétorqué Luc Rabouin. « Vous l’avez défendu jusqu’à la fin. Et ce que j’entends aujourd’hui, c’est que ce qu’il a dit avant, ce n’était pas assez grave pour l’exclure. »
Craig Sauvé et Gilbert Thibodeau ont déploré le climat toxique régnant au conseil municipal. « Les deux partis traditionnels sont toujours en train de se chicaner. Ils ne travaillent pas ensemble. Il n’y a pas de collaboration », a affirmé Craig Sauvé. Gilbert Thibodeau est allé plus loin : « Les partis politiques sont devenus des sectes. »
Pistes cyclables et mobilité urbaine
Les infrastructures cyclables continuent de diviser les candidats. Luc Rabouin et Craig Sauvé ont plaidé pour davantage de pistes cyclables face à une demande croissante. Soraya Martinez Ferrada, qui souhaite mener des audits sur les pistes existantes, estime que c’est la méthode d’implantation de Projet Montréal qui pose problème.
Gilbert Thibodeau cible les « pistes nuisibles », notamment celles implantées dans les rues commerciales qui éliminent des places de stationnement. « La rue Saint-Denis, c’est une rue commerciale », a répondu Luc Rabouin. « Depuis qu’il y a le REV sur Saint-Denis, la rue commerciale est en meilleure santé. »
Sur la question des cônes orange, Soraya Martinez Ferrada a répliqué que le problème ne réside pas dans leur taille ou couleur, mais dans la mauvaise planification des travaux. Craig Sauvé a proposé de confier aux cols bleus les travaux d’infrastructures plutôt qu’à des firmes externes.
Les défis qui attendent la prochaine administration
Ce débat a mis en lumière l’ampleur des défis qui attendent la prochaine administration municipale. Au-delà des divergences stratégiques, tous les candidats reconnaissent l’urgence d’agir sur le logement, l’itinérance et la qualité de vie des Montréalais.
Le marathon de débats se poursuit mercredi avec une discussion sur la culture à la Société des arts technologiques, réunissant Luc Rabouin, Soraya Martinez Ferrada et Craig Sauvé. Les électeurs montréalais auront encore plusieurs occasions d’évaluer les propositions des candidats avant le scrutin du 2 novembre 2025.