Face aux défis posés par le vieillissement des infrastructures et l’intensification des changements climatiques, le Québec engage une transformation majeure de son approche en matière d’aménagement du territoire. L’École de technologie supérieure (ÉTS), en collaboration avec l’Institut AdapT et le Conseil des Infrastructures, a organisé lundi dernier une journée stratégique pour mobiliser l’ensemble des acteurs du secteur.
Un contexte d’urgence pour les infrastructures québécoises
Les infrastructures du Québec font face à une double menace : leur vieillissement progressif et les impacts croissants des bouleversements climatiques. Ponts fragilisés, routes vulnérables, réseaux énergétiques sous pression – ces défis nécessitent des interventions rapides et stratégiques.
Selon Michel Binette, président-directeur général du Conseil des Infrastructures, « le défi n’est pas seulement de construire plus, mais de construire mieux et plus durablement. Cela exige que nous travaillions ensemble, au-delà des silos. »
L’événement « Défis climatiques : innovons pour les infrastructures de demain » visait précisément à créer cet espace de dialogue entre chercheurs, professionnels, institutions publiques et acteurs de l’écosystème des grands projets.
Un plan d’investissement historique
Le gouvernement québécois a annoncé en mars 2025 un Plan québécois des infrastructures (PQI) totalisant 164 milliards de dollars sur dix ans, soit une hausse de 7,2 % par rapport au plan précédent. Ces investissements représentent une augmentation remarquable de 63 % par rapport à 2018.
Avec une moyenne annuelle de 19 milliards de dollars prévus pour les trois prochaines années, ce plan vise à soutenir l’économie québécoise tout en assurant la pérennité des infrastructures existantes. Notamment, 96,7 milliards de dollars, soit 65 % de l’enveloppe totale, sont destinés à la réfection et au maintien des équipements actuels.
Cette priorité accordée à la pérennité marque un virage significatif, visant à rattraper le sous-investissement des gouvernements antérieurs. Toutes les régions du Québec bénéficieront de ces fonds, avec des projets couvrant la santé, l’éducation, les transports et les réseaux routiers.
L’innovation numérique au service des infrastructures
La transformation numérique occupe une place centrale dans la modernisation des infrastructures québécoises. La Feuille de route gouvernementale pour le BIM (Building Information Modeling), pilotée par la Société québécoise des infrastructures (SQI) et le ministère des Transports et de la Mobilité durable (MTMD), connaît une progression impressionnante.
Du 1er avril 2021 au 31 mars 2025, le nombre de projets en cours ou réalisés au moyen du BIM est passé de 77 à 267, tous domaines confondus. Cette croissance démontre que le virage numérique est bien amorcé dans l’ensemble des sphères du secteur de la construction.
Le BIM dépasse désormais la simple modélisation 3D pour devenir un outil stratégique de gestion des données tout au long du cycle de vie des infrastructures. Cette approche permet d’améliorer la productivité, d’optimiser les investissements et de relever les défis liés à la rareté de la main-d’œuvre.
Six ateliers pour des solutions concrètes
La programmation de la journée à l’ÉTS a proposé six ateliers thématiques permettant aux participants d’explorer les grands enjeux et d’identifier des pistes concrètes d’action :
- Concevoir pour le climat de demain : adapter les projets aux conditions climatiques futures
- Faire évoluer les normes de construction : moderniser les standards pour intégrer la résilience climatique
- Technologies et longévité : utiliser l’innovation pour prolonger la durée de vie des infrastructures
- Adaptation et financement : trouver des modèles économiques viables pour les projets d’adaptation
- Résilience face aux catastrophes : préparer les infrastructures aux événements climatiques extrêmes
- Ouverture vers les marchés européens : explorer les opportunités de coopération internationale
La résilience climatique : une priorité stratégique
Éric Bosco, directeur exécutif de l’Institut AdapT, souligne que « les changements climatiques redessinent notre territoire et les règles du jeu économique évoluent rapidement. Pour rester dans la course, le Québec doit miser sur l’innovation et la recherche collaborative. »
Selon l’Institut climatique canadien, chaque dollar investi dans des mesures d’adaptation aujourd’hui génère un retour de 13 à 15 dollars en bénéfices directs et indirects dans les années suivantes. Cette équation économique favorable démontre la pertinence financière des investissements en résilience climatique.
Les événements météorologiques extrêmes de plus en plus fréquents, l’augmentation des températures et la montée du niveau de la mer causent des dommages importants aux infrastructures et représentent une menace pour la qualité de vie des Québécois.
Mobilisation des leaders du secteur
La journée a réuni des leaders de premier plan, dont Sophie Larivière-Mantha, présidente de l’Ordre des ingénieurs du Québec, Steve Chagnon d’Hydro-Québec, Philippe Batani de CDPQ Infra, Dominic Lemarquis de la SQI, et Geneviève Roy de Pomerleau.
Cette convergence d’expertise vise à créer des alliances durables entre les milieux industriel, académique et institutionnel. L’objectif est d’accélérer la transformation des infrastructures québécoises en identifiant les défis concrets et en mettant en lumière des solutions issues de la recherche et de l’industrie.
Une approche plus agile pour le réseau routier
Dans le but d’assurer la pérennité et la sécurité des infrastructures tout en améliorant la fluidité sur l’ensemble du territoire, le gouvernement adopte une nouvelle approche pour le secteur routier. Certains projets du PQI 2025-2035 seront réalisés par le biais de la programmation territoriale du MTMD.
Cette stratégie vise à agir plus rapidement et à moindre coût sur les infrastructures concernées, dans un souci d’assurer leur durabilité et la sécurité sur l’ensemble du territoire québécois.
Vers un avenir durable et résilient
La transformation des infrastructures québécoises représente bien plus qu’un simple défi technique. Il s’agit d’une opportunité de repenser notre rapport au territoire, d’intégrer les solutions fondées sur la nature, et de créer des systèmes capables de s’adapter aux réalités climatiques futures.
L’événement organisé par l’ÉTS et l’Institut AdapT, avec l’appui du ministère de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie, constitue un point de départ pour des solutions concrètes qui naîtront de l’alliance entre recherche, industrie et institutions publiques.
Comme le soulignent les experts, face aux changements climatiques et aux pressions économiques mondiales, il est temps d’agir collectivement pour anticiper, innover et transformer nos infrastructures. L’avenir du Québec dépend de notre capacité à bâtir des infrastructures non seulement performantes, mais véritablement résilientes et durables.