MONTRÉAL – Le ministre de la Justice Simon Jolin-Barrette a déposé jeudi le projet de loi n° 1, une Loi constitutionnelle de 2025 sur le Québec qui soulève de vives inquiétudes quant à la protection des droits et libertés individuels dans la province.
Un projet ambitieux qui divise
Ce projet historique, inspiré du rapport 2024 du Comité consultatif sur les enjeux constitutionnels, vise à doter le Québec d’une constitution provinciale propre. Toutefois, la Ligue des droits et libertés (LDL) exprime de sérieuses réserves sur les répercussions possibles de cette initiative sur le système québécois de protection des droits humains.
Les droits collectifs avant les droits individuels
Parmi les éléments les plus controversés, le projet de loi prévoit des modifications majeures à la Charte québécoise des droits et libertés de la personne. Le texte propose notamment de faire primer les « droits collectifs » sur les droits individuels et d’affirmer les « valeurs sociales distinctes » du Québec.
La LDL souligne que ces dispositions pourraient restreindre l’exercice de la liberté de religion et subordonner les chartes à une conception particulière de la laïcité et à un modèle d’intégration nationale qui pourrait porter atteinte aux droits humains.
Constitutionnalisation de la laïcité et de l’intégration
Le PL1 propose de constitutionnaliser et d’approfondir la portée de la Loi sur la laïcité de l’État (loi 21) et de la Loi sur l’intégration à la nation québécoise, deux textes auxquels la LDL s’est fermement opposée en raison de leurs atteintes présumées aux droits humains.
Selon les informations disponibles, le projet de loi modifierait unilatéralement la Loi constitutionnelle de 1867 pour y inclure la laïcité comme caractéristique fondamentale du peuple québécois.
Protection de nouveaux droits
Malgré les préoccupations soulevées, le projet de constitution comporte certains éléments progressistes. Il propose notamment de protéger le droit des femmes à l’avortement et le droit des Québécois de recevoir l’aide médicale à mourir lorsque leur état le requiert.
Le ministre Jolin-Barrette a affirmé vouloir « envoyer un message à toutes les femmes du Québec : c’est votre corps, et ce sont vos choix, et l’État du Québec va continuer de protéger cette liberté ».
Limites au pouvoir judiciaire
Un autre aspect majeur du projet concerne l’affaiblissement du pouvoir de révision constitutionnelle des tribunaux. Le PL1 prévoit également interdire aux organismes recevant des fonds publics de contester certaines lois jugées fondamentales, comme la loi 21 sur la laïcité et la loi 96 sur la langue française.
Cette disposition empêcherait, par exemple, une contestation similaire à celle menée par la Commission scolaire English-Montreal contre la loi sur la laïcité en Cour suprême – bien que les procédures en cours ne soient pas visées.
Un anniversaire sous tension
Ce projet arrive alors que le Québec célèbre le 50e anniversaire de sa Charte des droits et libertés de la personne. La LDL rappelle que cette charte « constitue un pilier fondamental de notre démocratie et de notre État de droit ».
L’organisme indépendant et non partisan, qui défend les droits humains depuis 1963, annonce qu’il analysera en profondeur tant le projet de constitution que le processus envisagé pour son adoption.
Réactions politiques mitigées
Le chef du Bloc Québécois, Yves-François Blanchet, a jugé que le projet n’était pas suffisamment rassembleur et pourrait briser le calme constitutionnel entre Québec et Ottawa.
Du côté fédéral, le ministre de la Justice Sean Fraser a indiqué que le gouvernement Carney prendrait le temps d’étudier attentivement le contenu de la proposition avant de se prononcer.
Une constitution modifiable à majorité simple
Contrairement à la constitution canadienne, le projet québécois pourrait être modifié par de futurs gouvernements avec une majorité simple. Le ministre Jolin-Barrette justifie ce choix en affirmant qu’il ne souhaitait pas que la constitution québécoise soit « verrouillée pour 1000 ans ».
La suite des débats s’annonce déterminante pour l’avenir du cadre juridique québécois et la protection des droits et libertés dans la province.